CITES - 40 ans de coopération internationale et d’actions nationales

Mise à jour le 12 janvier 2021

wwdLa CITES a été la troisième convention internationale portant sur les questions de l’environnement adoptée au début des années 1970, le 3 mars 1973, à Washington, DC, aux Etats-Unis – et c’est le 3 mars qu’est célébré tous les ans la Journée mondiale de la vie sauvage. Ce fut pourtant la première de ces conventions à entrer en vigueur, le 1 juillet 1975, soit environ six mois avant la Convention de Ramsar relative aux zones humides et la Convention du patrimoine mondial.

pope-francis-common-homeLa CITES est un accord juridiquement contraignant considéré comme exemplaire parmi tous les traités internationaux relatifs à l’environnement et, singulièrement, l’encyclique du Pape François sur la Sauvegarde de la maison commune relève l’importance des accords internationaux contraignants (voir paragraphe 173) et cite même la CITES en exemple (voir paragraphe 168).

Depuis 1975, la planète a connu une prospérité croissante, une évolution dans les modes de consommation et de production, un fabuleux accroissement des connaissances scientifiques, d’immenses avancées technologiques et, surtout, une croissance exponentielle du commerce mondial.

Si l’on s’en tient aux seuls chiffres de la population mondiale, celle-ci est passée de 4 à 7 milliards d’individus, soit 3 milliards de nouveaux consommateurs potentiels d’espèces sauvages et de produits de ces espèces.

La CITES est donc toujours autant essentielle aujourd’hui qu’elle l’était lors de son entrée en vigueur, voici 40 ans. C’est une convention vivante qui a évolué au fil du temps en réponse à ces changements.

Elle a évolué de bien des façons, notamment en ajoutant des espèces marines et végétales à sa liste d’espèces dont le commerce est régulé, en utilisant au mieux les nouvelles technologies et en renforçant la coopération dans le domaine de la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages.

time-sharksIl suffit pour illustrer notre propos de prendre la liste des espèces de requins inscrites à la CITES dont aucune ne figurait aux annexes en 1975. Il se trouve que la CITES est entrée en vigueur quelques jours seulement après la sortie en juin 1975 de ‘Jaws’, le film à succès de Stephen Spielberg qui reflétait l’idée que se faisait Hollywood d’un grand requin blanc. On dit que Jaws a renforcé les stéréotypes négatifs et la méconnaissance dans le grand public du rôle des requins et de leur comportement. Mais cette perception a évolué, notamment à la lumière des données scientifiques relatives à la collecte non-durable de certaines espèces de requins qui pourrait les mener à l’extinction.

sharksC’est dans ce contexte d’évolution des perceptions et d’une amélioration des connaissances scientifiques que la CITES est intervenue pour obtenir au cours des dernières années que le commerce de huit espèces de requins soit régulé dans le cadre de la Convention, dont 5 espèces en 2013, afin de s’assurer que ce commerce est licite, durable et traçable.

Ce sont sans doute les décisions prises à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable ou Rio+20, en 2012, qui illustrent le mieux le rôle essentiel joué par la CITES. La Convention y fut décrite comme « l’accord international au carrefour du commerce, de l’environnement et du développement”.

cites-ga-graphicC’est une bonne description de la CITES, illustrée par le fait qu’un nombre important d’espèces sauvages et de produits de ces espèces sont légitimement échangés chaque année dans le cadre de la CITES et ce commerce licite et durable bénéficie souvent autant à la vie sauvage qu’aux populations, comme par exemple le commerce de la laine de vigogne, de la chair de lambi ou d’écorce de prunier d’Afrique. La base de données sur le commerce CITES vient de franchir le cap des 15 millions de transactions.

illegal-tradePourtant, ces dernières années est apparu une recrudescence du commerce illicite des espèces sauvages – ou commerce d’espèces en violation de la CITES, plus particulièrement s’agissant des éléphants, rhinocéros, pangolins et certaines espèces de bois précieux. Ce commerce illicite est mondialisé, il est pratiqué à une échelle industrielle, par des gangs transnationaux du crime organisé et par des milices rebelles, avec des conséquences économiques, sociales et environnementales catastrophiques.

La CITES joue un rôle plus important que jamais dans la lutte contre le commerce illicite des espèces sauvages et en faveur d’un commerce licite et durable dans le cas où un pays souhaite faire commerce d’une espèce dans le cadre de la CITES.

Les causes de la réussite de la CITES sont nombreuses et variées, mais il en est trois qui se distinguent plus particulièrement :

citrd-wtoLa première est la qualité du texte original de la Convention adopté en 1973 et son évolution au fil du temps. Il est ciblé, pragmatique et crée un système de réglementation internationale s’appliquant au commerce des espèces animales et végétales sauvages. Ce système a fait ses preuves et encore la semaine dernière le Directeur général de l’OMC et moi-même avons sorti une publication conjointe OMC/CITES sur les rapports qu’entretiennent ces deux organisations qui sont exemplaires de la façon dont les organisations internationales relatives au commerce et relatives à l’environnement peuvent s’étayer mutuellement et coopérer avec succès à la réalisation de leurs objectifs communs. Cette publication souligne le fait que l’OMC n’a jamais été en réel désaccord avec aucune mesure de régulation des échanges prise par la CITES.

cites-rhinoLa deuxième est que de solides partenariats ont été forgés pour la mise en œuvre de la Convention avec une vaste gamme d’organismes, au sein de l’ONU ou en dehors, ainsi qu’avec des agences étatiques ou non-gouvernementales. Ces cinq dernières années ont été fortement axées sur la lutte contre la criminalité, notamment avec la création du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC), à l’initiative conjointe du Secrétariat de la CITES, d’INTERPOL, de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) – ainsi que grâce à la formation de partenariats avec la l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) visant à faire appliquer les inscriptions de requins et raies manta, ou l’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT) visant à faire appliquer les inscriptions des espèces de bois tropicaux.

La troisième, et la plus importante, est la forte motivation des 180 Parties à la CITES – bientôt 181 – en vue de la mise en œuvre de la Convention par la création d’organes de gestion et autorités scientifiques au niveau national, et de la mise en place de mesures coercitives, mais aussi en passant par une collaboration transfrontalière récemment illustrée par 62 pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique et d’Europe qui ont lancé la plus vaste opération jamais organisée de lutte contre le commerce illicite des espèces sauvages, l’Opération Cobra III.

Ce sont ces organes et autorités nationaux de la CITES qui sont le moteur de la Convention et ont assuré sa réussite.

Faisons une pause pour rendre hommage aux Parties à la CITES pour la force de leur conviction et de leur engagement, de 1975 à ce jour. Elles fournissent un bel exemple de coopération internationale réussie, à laquelle s’ajoutent les actions nationales, et ce depuis quarante ans.

cites-historyCette Convention visionnaire est aussi nécessaire aujourd’hui qu’en 1975, sinon plus, en ce qu’elle nous permet de continuer à tirer bénéfice des plantes et animaux sauvages, et je cite ici le texte fondateur de la Convention – « du point de vue esthétique, scientifique, culturel, récréatif et économique ».