Forum international sur la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité transnationale organisée : Allocution de Mme Ivonne Higuero, Secrétaire générale de la CITES, à la cérémonie d’ouverture

Mise à jour le 07 janvier 2025

 

Forum international sur la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité transnationale organisée : réseaux criminels, dynamique du commerce et au-delà

Allocution de Mme Ivonne Higuero, Secrétaire générale de la CITES, à la cérémonie d’ouverture 

10 décembre 2024, Hong Kong RAS, Chine

 

Excellences,

Mesdames et Messieurs les délégués,

Invités et participants,

Mesdames et Messieurs,

C’est un très grand honneur pour moi de m’adresser à vous aujourd’hui à l’occasion du Forum international sur la lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité transnationale organisée : réseaux criminels, dynamique du commerce et au-delà.  

Je tiens tout d’abord à exprimer mes sincères remerciements au Service des douanes et accises de Hong Kong et au Bureau régional de liaison chargé du renseignement pour la région Asie-Pacifique de l’Organisation mondiale des douanes pour avoir organisé cet événement et m’avoir invitée à m’adresser à vous aujourd’hui.

Ces deux prochains jours, le Forum sera pour nous tous l’occasion unique de réfléchir aux défis que pose la criminalité transnationale organisée et de trouver de nouveaux moyens de renforcer notre action concertée et notre collaboration pour lutter efficacement contre ce fléau. Nul doute que les administrations douanières sont un partenaire essentiel dans les efforts déployés par la CITES à l’échelle mondiale, sachant qu’elles se trouvent aussi bien en première ligne de la mise en œuvre de la Convention, où elles facilitent le commerce légal des espèces inscrites aux Annexes de la CITES, qu’au niveau des frontières, où elles nous aident à éradiquer le commerce illégal des espèces de faune et de la flore sauvages.

Parlons à présent de la CITES : depuis 50 ans, ce traité juridiquement contraignant est le principal mécanisme international de réglementation du commerce international de spécimens d’espèces de faune et de flore sauvages, dans l’objectif d’assurer leur survie à l’état sauvage.

Actuellement, la CITES réglemente le commerce de plus de 40 000 espèces au moyen d’un système de permis délivrés par les organes de gestion nationaux des quelque 185 Parties que comptera bientôt la Convention et qui œuvrent conjointement à la mise en place d’un commerce légal, traçable et durable.

C’est dans ce contexte que la CITES joue un rôle déterminant dans la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, avec pour toile de fond plus large la criminalité transnationale organisée. Non seulement ce type de criminalité menace de nombreuses espèces et sape les efforts mondiaux de conservation, mais il alimente aussi la corruption, déstabilise les économies et représente un risque pour la sécurité.

La lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages reste un défi mondial. Des milliers d’espèces sauvages relevant de la CITES font l’objet d’un commerce illégal, et certaines des espèces les plus touchées suscitent peu d’intérêt de la part du public, à l’image des plantes succulentes ou des poissons.

Selon l’édition 2024 du Rapport sur la criminalité liée aux espèces sauvages dans le monde, le commerce illégal a touché 162 pays et territoires sur la période 2015-2021.  

Cette situation s’explique par les énormes profits générés par le commerce illégal. Selon les estimations du Groupe d’action financière (GAFI) – l’organisation mondiale de surveillance du blanchiment de capitaux – la criminalité environnementale est l’une des activités criminelles les plus lucratives, générant chaque année des gains de l’ordre de 110 à 281 milliards de dollars des États-Unis d’Amérique.

Ces profits transitent souvent par des réseaux financiers inextricablement liés à ces activités criminelles. Il s’agit notamment d’activités de blanchiment d’argent et d’autres crimes financiers, les réseaux criminels se servant des profits tirés du commerce illégal d’espèces sauvages pour financer d’autres activités illégales. Il est donc impératif d’enquêter sur les circuits financiers associés à la criminalité liée aux espèces sauvages et de les démanteler.

Des mesures importantes ont été prises au niveau mondial ces dernières années. En 2021, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une nouvelle Résolution intitulée Lutte contre le trafic d’espèces sauvages qui réaffirme et s’appuie sur d’autres Résolutions sur ce thème. Elle met fortement l’accent sur le lien entre la criminalité liée aux espèces sauvages et la criminalité financière et demande aux États membres d’intégrer davantage les enquêtes sur la criminalité financière aux enquêtes sur la criminalité liée aux espèces sauvages.

2022 aura été marquée par l’adoption du Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming à Montréal, un instrument reconnu à l’échelle mondiale comme une feuille de route ambitieuse pour un monde qui vivrait en harmonie avec la nature, avec entre autres objectifs celui de garantir le caractère légal du commerce d’espèces sauvages.

Lors de la 19e session de la Conférence des Parties à la CITES qui s’est tenue au Panama cette même année, les Parties à la CITES ont adopté une décision qui encourage, dans le cadre des enquêtes sur la criminalité financière, à enquêter également sur les infractions liées aux espèces sauvages, dans le but d’identifier les criminels impliqués dans ce type de crime. 

Au fil des ans, le Secrétariat CITES a renforcé son engagement et sa collaboration avec le Groupe d’action financière précédemment évoqué. Il a contribué à l’établissement de rapports et à la tenue d’ateliers sur la lutte contre les flux financiers illégaux provenant de la criminalité environnementale, y compris l’exploitation forestière illégale.

En outre, depuis plus de dix ans, la CITES est membre d’un partenariat de longue date qui réunit INTERPOL, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, le Groupe de la Banque mondiale et l’Organisation mondiale des douanes, lesquels travaillent en étroite collaboration dans le cadre du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (l’ICCWC).

En 2023, partout dans le monde, l’ICCWC a formé plus de 400 agents des services de police et professionnels du secteur de la finance et du secteur privé à différents moyens de lutte contre le blanchiment d’argent et la criminalité financière.

Dans le cadre de l’ICCWC, des ressources fondamentales sont mises à la disposition des Parties à la CITES, dont le Manuel de coopération douane – CRF, élaboré par l’OMD, qui encourage la coopération entre les cellules de renseignement financier et les services douaniers afin de démanteler les activités de blanchiment d’argent aux frontières et de financement du terrorisme.

L’ICCWC soutient également les administrations douanières des Parties à la CITES qui participent à des opérations internationales de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages. Les administrations douanières forcent l’admiration pour leur engagement en faveur de la conservation des espèces sauvages. Comme j’ai pu moi-même le constater, elles ont de plus en plus conscience que la criminalité liée aux espèces sauvages constitue une grave menace pour le bien-être de l’humanité et de notre planète.

L’année dernière, l’opération mondiale Thunder 2023, menée conjointement à par l’OMD et INTERPOL, a donné lieu à plus de 2000 saisies et 500 arrestations. De même, l’opération Dragon du Mékong, menée conjointement par les services douaniers de la région Asie-Pacifique, a permis la réalisation d’un chiffre record de 1715 saisies de spécimens d’espèces inscrites aux Annexes de la CITES. Dans le cadre de cette opération, le service des douanes de Hong Kong a saisi 12 tonnes de parties et produits de requins, grâce à la coordination des activités de lutte contre la fraude.

Je tiens à exprimer mes sincères félicitations aux douanes de Hong Kong et à toutes les Parties à la CITES ayant contribué à cet exploit !

Mesdames et Messieurs,

Si des progrès considérables ont incontestablement été accomplis au fil des ans, il reste encore beaucoup à faire dans la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et les flux financiers illicites qui y sont associés. Nous devons faire une priorité de la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, au même titre que la lutte contre d’autres formes de criminalité transnationale organisée.

Le renforcement des mesures visant à lutter contre les flux financiers illicites provenant de la criminalité liée aux espèces sauvages aidera à faire en sorte que les malfaiteurs concernés ne puissent pas tirer profit du produit de leurs crimes, ce qui fera du commerce illégal d’espèces sauvages une activité à haut risque et à faible rentabilité.

Merci à tous pour votre engagement et votre dévouement au quotidien en faveur de cette mission de premier plan.

Je me réjouis à la perspective de découvrir les exposés, les échanges et les liens qui seront tissés à l’occasion de ce forum, lesquels contribueront sans aucun doute à notre mission commune de lutte contre la criminalité transnationale sous toutes ses formes.

Je vous remercie.