Dix-huitième session de la Conférence des Parties à la CITES
Allocution de clôture de la Secrétaire générale de la CITES, Ivonne Higuero
Genève (Suisse), 28 août 2019
Mesdames et Messieurs le Président, le Président suppléant, les Présidents des Comités I et II, honorables délégués, chers collègues,
Cette première CoP CITES en tant que Secrétaire générale a été pour moi une singulière expérience. L’agenda était très chargé et il y a tant de choses que je souhaiterais dire sur tout ce que nous avons accompli. Mais par souci d’économie de temps, je vais simplement mettre en exergue quelques résultats importants qui, je le crois, vont nous aider à donner forme aux tâches qui nous incombent pour les années à venir.
Premièrement, vous avez assis notre Convention vieille de 45 ans sur des fondations beaucoup plus solides
En adoptant la Vision de la stratégie CITES pour l’après 2020, les Parties ont confirmé leur commune opinion que la CITES doit mener la voie vers de profonds changements en matière de conservation et de gestion de la faune et de la flore sauvages. Notre tâche est de contribuer à la durabilité environnementale, économique et sociale. La Vision reconnaît également que nous jouons un rôle essentiel dans la réalisation des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
Nombre des résolutions adoptées ici, à Genève, vont renforcer la capacité des Parties à mettre en œuvre la Convention. Un soutien accru aux organes de gestion CITES permettra d’assurer un commerce durable, légal et traçable des espèces sauvages. Les décisions relatives au Programme d’aide au respect de la Convention et la poursuite du Projet sur les législations nationales sont un très bon exemple du type d’assistance dont les pays ont un besoin urgent pour leur permettre de se conformer pleinement aux dispositions de la Convention.
Les Parties à la CITES se sont également engagées à mieux solliciter les communautés indigènes et à tenir compte de leurs besoins en matière d’amélioration de leurs revenus et moyens d’existence. Ces communautés sont sur le front de la conservation des espèces sauvages et de leur gestion durable. Sans elles, la CITES aurait du mal à atteindre ses objectifs. Pendant une journée entière, plus de 100 Parties et observateurs ont pris la parole sur ce sujet. Nous avons assisté à l’expression d’une vaste gamme d’opinions divergentes et les Parties vont commencer à examiner le moyen de mieux faire participer les peuples indigènes et les communautés locales au processus décisionnel de la CITES et à la mise en œuvre de la Convention. Le but est de mieux réaliser les objectifs de la Convention, tous en reconnaissant la contribution de ces communautés.
Deuxièmement, vous avez accru votre capacité à lutter contre le commerce illégal
Les négociants illégaux conservent des moyens qu’il ne faut pas négliger. Comme pour la plupart des autres aspects de la vie moderne, la criminalité liée aux espèces sauvages progresse rapidement sur Internet.
La CoP18 a reconnu ces difficultés. Par exemple, vous avez adopté des décisions sur le renforcement des actions en faveur des tortues terrestres ou marines. Vous soutiendrez également les efforts réalisés dans la lutte contre le commerce illégal dans les sous-régions d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale. Ce commerce illégal porte sur l’ivoire d’éléphants et sur des espèces comme les pangolins, perroquets et bois de rose. Une autre décision importante concerne la création de l’équipe spéciale CITES sur les grands félins dont la mission est d’améliorer la lutte contre la fraude, de s’attaquer au commerce illégal et de favoriser la collaboration en vue de la protection des tigres, lions, guépards, jaguars et léopards.
La conférence a salué les progrès réalisés par le Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages. Le Consortium joue un rôle primordial d’appui aux Parties dans la mise en œuvre de la Convention et la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages. La réussite passera par le renforcement de la collaboration entre les agences de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages et avec les Réseaux de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, et j’applaudis à ces efforts.
La CoP18 a également montré la volonté des Parties de travailler de concert avec tous les pays des aires de répartition, de transit ou de destination. Par exemple, nous avons appris que la dernière opération à l’échelle mondiale de lutte contre la fraude, sous le nom de code ‘Opération Thunderball’, dans laquelle étaient engagés 109 pays, a abouti à la saisie de 1 800 articles sur tous les continents et à l’arrestation de près de 600 suspects. La réussite de ce genre d’opérations est la preuve de ce que peuvent accomplir les parties à la CITES lorsqu’elles œuvrent de concert en sévissant contre la criminalité liée aux espèces sauvages.
Il faut pourtant manifestement augmenter l’appui au renforcement des systèmes de justice pénale des pays. Nous devons également assurer un suivi des décisions adoptées en matière de lutte contre la cybercriminalité liée aux espèces sauvages qui semble devoir progresser dans notre environnement numérique actuel.
J’ai constaté avec plaisir que la CITES a commencé à ouvrir un nouveau front numérique visant à la fois à réglementer le commerce légal et à lutter contre la criminalité liée aux espèces sauvages. La CoP a approuvé la collaboration avec l’Organisation mondiale des douanes sur la question de l’échange de permis électroniques CITES avec les douanes. Cela permettra d’améliorer les contrôles aux frontières grâce à l’utilisation d’une approche moderne, fondée sur les avancées technologiques, comme la gestion électronique des risques et les inspections ciblées.
J’encourage toutes les Parties à utiliser les Lignes directrices sur les moyens de la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages qui seront mises en ligne dès qu’elles seront finalisées et publiées en novembre, lors de la prochaine réunion du Groupe de travail sur la criminalité liée aux espèces sauvages d’INTERPOL.
Enfin, j’aimerais également rappeler l’importance de la première conférence au plus haut niveau sur le commerce illégal des espèces sauvages des Amériques qui doit se tenir dans tout juste deux mois.
Troisièmement, vous avez renforcé le rôle de l’Annexe II dans la l’avancement vers un développement durable
Ici, à la CoP18, vous avez adopté 46 propositions d’amendements aux Annexes en y ajoutant, selon nos calculs, 93 nouvelles espèces, avec un mélange d’inscriptions à l’Annexe I et à l’Annexe II.
Les inscriptions à l’Annexe II indiquent quelques pistes probables sur lesquelles s’engagera la CITES. La CoP18 a confirmé que les Parties comptent de plus en plus sur la Convention pour assurer la durabilité des espèces marines, y compris celles d’une grande valeur pour la pêche commerciale. D’autres mécanismes internationaux s’occupent également de la gestion des espèces marines, mais la CITES peut jouer un rôle essentiel de filet de sécurité.
Les trois propositions sur les requins, présentées par un nombre record de Parties, ont soumis 18 espèces supplémentaires au régime CITES de réglementation du commerce. La CoP a également identifié certaines difficultés de mise en œuvre de ces inscriptions et nous nous engageons à aider les Parties à obtenir les permis CITES. Vous avez également adopté des décisions et résolutions sur les requins et raies, les anguilles, le lambi, les tortues marines, les coraux précieux, les esturgeons et les hippocampes. J’ai bien noté que vous nous avez demandé de nous pencher sur le commerce des poissons marins d’ornement vivants afin de déterminer quel rôle la CITES pourrait ou devrait jouer dans la réglementation de ce commerce.
Nous avons également observé la pérennisation des inscriptions de bois tropicaux précieux à l’Annexe II à partir de propositions émanant des pays des aires de répartition d’Amérique latine et d’Afrique. Ces inscriptions confirment que les Parties cherchent à obtenir un appui accru de la CITES dans la gestion et le contrôle du commerce de ces précieuses ressources. La CoP18 a également reconnu la grande valeur des plantes médicinales et aromatiques et la nécessité de voir la CITES s’en préoccuper.
J’ai aussi eu le plaisir de constater que, comme l’a déclaré l’Organisation internationale des bois tropicaux, la collaboration entre la CITES et l’OIBT est « un excellent exemple de la coopération entre les services ». Il est toutefois évident qu’il faudra progresser dans la lutte contre le commerce illégal des essences africaines inscrites à la CITES.
Beaucoup d’autres espèces ont été étudiées à la Conférence. Si le grand public est souvent moins sensibilisé à la disparition des amphibiens, reptiles, oiseaux et petits mammifères, la survie de ces espèces forme une trame essentielle du tissu de la vie sur terre. Nous devons prêter autant attention à ces espèces qu’aux poissons et bois précieux ou aux grands mammifères charismatiques.
Enfin, c’est toujours avec beaucoup de plaisir que j’aime à rappeler la grande réussite de la CITES : la renaissance des populations de vigognes grâce à leur utilisation durable en Bolivie, au Pérou et dans certaines régions d’Argentine. Dans la lancée, la CoP18 a rétrogradé une population régionale d’Argentine de l’Annexe I à l’Annexe II. Autre réussite de la politique de conservation, la population mexicaine de crocodile d’Amérique a également été rétrogradée suite à l’amélioration continue de la population. Ces succès sont la preuve du pouvoir de la CITES.
Je pourrais continuer longtemps, mais laissez moi ajouter un mot sur la nécessité d’offrir aux pays un espace leur permettant de définir des objectifs communs de développement durable. C’est ainsi qu’il sera possible d’assurer la conservation à long terme des espèces menacées du monde entier. Il reste beaucoup à faire dans la période intersessions et dans 3 ans les intérêts communs seront plus nombreux que les différences parmi les gardiens de nos espèces sauvages. Le Secrétariat est prêt à aider les Parties et nos partenaires à trouver des solutions qui permettent la mise en œuvre de la Convention.
Je voudrais conclure en revenant à mon point de départ d’il y a deux semaines, en remerciant le gouvernement du Sri Lanka pour son engagement précoce, le gouvernement de la Suisse, l’Union Européenne, l’Allemagne, la Norvège et la Croatie qui se sont généreusement offerts à nous aider lorsque nous en avions besoin, toutes les Parties qui ont contribué au Projet de parrainage des délégués, les présidents si efficaces des comités, le président et le président suppléant de la CoP, les présidents des comités de vérification des pouvoirs et du budget, ainsi que le comité du budget pour sa prise en compte de nos besoins en ressources financières et humaines, le Costa Rica qui a généreusement proposé d’organiser la CoP pour la deuxième fois après la CoP2 de 1979, mes excellents collègues du Secrétariat qui travaillent si durement tous les jours, plus particulièrement Victoria Zentilli et Tom De Meleunaer qui participent à leur dernière CoP avant de prendre leur retraite, Victoria qui travaille au Secrétariat depuis 1989 et Tom depuis 2001. Victoria et Tom, levez-vous qu’on vous reconnaisse!
Tous mes remerciements aux interprètes, aux agents techniques de Palexpo et aux agents de services, plus particulièrement Kai, Christine et Regula, qui ont assuré le bon fonctionnement de la session, à la sécurité des Nations Unies avec Christophe et son équipe, aux excellents bénévoles et personnels des organisations partenaires qui ont rejoint notre équipe, et bien entendu à vous, les Parties et observateurs, qui, ensemble, font de la CITES un précieux joyau dans la couronne des accords multilatéraux sur l’environnement. Accordez-moi je vous prie, Monsieur le Président, quelques minutes pour me permettre d’offrir quelques présents en reconnaissance des services des agents de la CoP et du dur labeur des bénévoles.
Merci!