Remarques de la Secrétaire générale de la CITES, Ivonne Higuero, à l'occasion de la Conférence de l'Organisation Mondiale des Douanes (OMD) sur les technologies de l'information

Mise à jour le 20 août 2020

14 juin 2019, Bakou, Azerbaïdjan

Bonjour à tous, Excellences, Chers délégués, Mesdames et messieurs,

C'est un honneur d'avoir été invitée par le Secrétaire général des douanes à faire un discours d'ouverture à la Conférence sur les technologies de l'information. Je vous présente toutes mes excuses pour ne pas pouvoir être parmi vous cette semaine, malheureusement d'autres engagements me retiennent ailleurs. Je suis certaine que vous profitez déjà pleinement de la généreuse hospitalité azerbaïdjanaise qui est bien connue, et que je regrette de manquer.

Tout d'abord, j'aimerais dire quelques mots sur notre Convention, connue sous l'acronyme CITES, pour ceux d'entre vous qui ne sont pas familiers de ce qu'elle fait. Il s'agit d'un accord multilatéral contraignant en matière d'environnement entre 183 Parties. Son principal objectif est de réglementer le commerce international afin qu'il ne menace pas la survie des espèces de flore et de faune à l'état sauvage. Les Parties à la CITES veillent, à travers leurs décisions et résolutions, à ce que le commerce reste durable, légal et traçable.

Peut-être serez-vous surpris d'apprendre que sur les 36 000 espèces réglementées par la CITES, 97% peuvent être vendues de manière légale à des fins commerciales. Vous serez peut-être également surpris de savoir que la CITES soutien un commerce s'élevant à plusieurs milliards de dollars ; par exemple, le commerce du strombe géant, un coquillage comestible, est estimé à 60 millions de dollars par an ; les pythons, souvent utilisés pour leur peau, représentent une industrie d'1 milliard de dollars par an ; et le commerce de l'acajou représente 33 millions de dollars par an.  

Le CITES trouve son application à travers l'émission et l'échange de permis et certificats entre les pays d'exportation et d'importation. Il s'agit de la base même de la Convention : les Parties à la CITES émettent actuellement plus d'1 million de permis par an à travers le monde. Ces permis attestent la légalité et la durabilité des transactions commerciales. Chaque permis est délivré par un Organe de gestion CITES désigné au niveau national, par exemple un ministère de l'agriculture, de la nature et des pêches, et chacun de ces permis doit être contrôlé par les douanes lors de l'exportation, réexportation ou importation.

Alors en quoi la CITES est-elle importante pour les autorités douanières ? Les douanes exercent des fonctions cruciales pour faire appliquer efficacement la CITES, celles-ci peuvent être regroupées en deux types d'actions :

  • En premier lieu, les douanes facilitent le commerce légalement encadré par la CITES et transmettent aux organes de gestion les données relatives aux quantités exactes commercialisées dans le cadre de ces permis. Ces informations sont très importantes pour analyser les tendances du marché et identifier les mesures à prendre à l'avenir en matière de durabilité.
  • Deuxièmement, les douanes, en contrôlant toutes les exportations, réexportations et importations, évaluent le risque qu'une cargaison donnée relève du commerce illicite d'une espèce inscrite à la CITES. Ainsi, les douanes jouent un rôle majeur dans la détection et la lutte contre le commerce illicite.

Maintenant que les pays se sont engagés à réaliser les Objectifs de développement durable du Programme de développement durable à l'horizon 2030, il est important de souligner que le travail des autorités douanières participe de manière directe à la conservation de ressources naturelles précieuses et soutient le développement durable des pays. Les autorités douanières participent à la protection des espèces menacées d'extinction et aux moyens de subsistance des personnes qui dépendent de ces espèces, tout en contribuant pleinement à la lutte contre le commerce illicite d'espèces sauvages.

Le commerce illicite d'espèces sauvages est une préoccupation mondiale. Il représente un danger majeur pour la conservation des espèces sauvages et compromet les efforts de conservation et de commercialisation légale des espèces sauvages. Ces points se retrouvent dans les résolutions, déclarations et propositions adoptées dans le cadre de différents forums. Entre autres exemples, on peut citer :

  • la déclaration de juin 2014 concernant le commerce illégal d'espèces sauvages, adoptée par le Conseil de coopération douanière ;
  • la toute première résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies sur ‘La lutte contre le trafic d'espèces sauvages’ adoptée en juillet 2015
  • la résolution de septembre 2017 de l'Assemblée générale des Nations Unies sur la Lutte contre le trafic d'espèces sauvages et
  • les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies ciblant plus particulièrement le trafic d'espèces sauvages avec l'objectif 15.

Le trafic d'espèces sauvages est un crime transnational très lucratif souvent commis par des groupes criminels bien organisés. Il occuperait la 4ème position parmi les crimes transfrontaliers de grande ampleur et représenterait un marché estimé entre 5 et 20 milliards de dollars américains (hors espèces marines et ligneuses).

Aucun pays, aucune région ou agence ne peut combattre le trafic d'espèces sauvages seul, et la nécessité d'une collaboration accrue et d'une bonne coordination des efforts de lutte est largement reconnue. Les autorités douanières et organes CITES doivent s'y consacrer en tirant parti de toutes les opportunités offertes par les moyens modernes d'information et de communication.

Il est évident que les TIC et l'échange de permis électroniques entre les organes de gestion CITES et les douanes peuvent contribuer de manière significative à la détection du commerce illicite et à faciliter la commercialisation légale des espèces inscrites à la CITES. Je souhaite, et c'est ma vision en tant que nouvelle Secrétaire générale, que le Secrétariat puisse aider les Parties à avancer plus rapidement dans l'utilisation des technologies modernes d'information et de communication afin de simplifier l'application de la Convention. À cet effet, nous nous concentrons sur trois principaux domaines :  

1èrement :  Nous avons commencé à apporter notre soutien aux organes de gestion CITES dans l'automatisation des processus de délivrance des permis et d'échange électronique avec les douanes. Par exemple,

  • la CITES définit la norme pour les permis électroniques CITES sous un format électronique qui est basé sur le modèle de données de l'Organisation mondiale des douanes ;  
  • conjointement avec le programme du Système douanier automatisé (SYDONIA) de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement), nous avons développé une solution logicielle puissante et à bas prix pour la délivrance, le contrôle et l'échange de permis CITES. Nous travaillons actuellement avec la CNUCED sur une nouvelle version qui serait basée sur le cloud. Ce système ne nécessiterait aucune maintenance de la part des Parties et permettrait aux organes de gestion CITES d'échanger des permis électroniques CITES directement avec les administrations douanières de leur pays.

2èmement :   En premier lieu, nous prenons part, avec un groupe clé de Parties à la CITES, à des projets pilotes portant sur l'échange transfrontalier de permis électroniques. Il est attendu que les premiers systèmes passeront de la phase de test à la phase de production un peu plus tard cette année. L'objectif au long terme est d'obtenir un contrôle de A à Z de la chaine d'approvisionnement CITES, tirant parti du cadre légal international que fournit la CITES et du pouvoir des technologies modernes d'information et de communication.

Et 3èmement :  Nous étudions toutes les autres opportunités que peuvent offrir les nouvelles technologies. Par exemple, nous travaillons avec des chercheurs pour évaluer le potentiel des technologies blockchain pour des échanges de permis CITES sécurisés et fiables. À l'occasion de la prochaine (18ème) session de la Conférence des Parties à la CITES, nous organiseront un évènement parallèle au cours duquel les organes de gestion des pays d'Asie du sud-est partageront leurs opinions sur les échanges transfrontaliers de permis CITES par le biais des technologies blockchain et des contrats de licence.

De plus en plus de Parties ayant accès aux systèmes de permis électroniques, le futur s'annonce prometteur en ce qui concerne notre collaboration avec les autorités douanières. Nous prévoyons de mettre en place ou renforcer les systèmes électroniques de gestion des risques utilisés dans les processus de contrôle aux frontières pour améliorer le contrôle du commerce des espèces inscrites à la CITES. À cet effet, un atelier conjoint entre les administrations douanières nationales, les organes de gestion CITES, l'OMD et d'autres organisations internationales a été organisé à Gibraltar, Royaume-Uni en 2018. L'objectif était d'évaluer les bonnes pratiques en cours en matière de gestion des risques pour le contrôle du commerce CITES. Cet atelier a mené le Comité permanent de la CITES à proposer un ensemble d'activités clés pour renforcer la collaboration entre les organes de gestion et les douanes pour la gestion des risques CITES dans les procédures douanières.

Cela inclut l'organisation d'un atelier international sur les procédures douanières pour un meilleur contrôle du commerce d'espèces sauvages en collaboration avec l'OMD et les autorités douanières nationales. Cela inclut également de travailler avec l'OMD et d'autres partenaires clés sur l'échange d'informations électroniques et la mise en place de procédures efficaces d'évaluation des risques. 

Nous avons très hâte de renforcer encore notre collaboration avec les autorités douanières et l'OMD. Cela permettra d'aider d'autant plus les Parties à tirer profit du potentiel des technologies modernes d'information et de communication pour une commercialisation plus sécurisée et plus durable des espèces inscrites à la CITES.

Je conclurais en vous invitant instamment à collaborer étroitement avec nous non seulement dans notre importante mission de lutte contre le trafic d'espèces sauvages mais également en ce qui concerne à la protection de la richesse culturelle et biologique que les espèces sauvages représentent pour nos pays et leurs rôles dans l'accès à des revenus durables pour nos peuples.

Je vous remercie et vous adresse mes meilleurs vœux de succès pour cette Conférence.