Allocution de M. John E. Scanlon, Secrétaire-général de la CITES
7 août 2015
Chers hôtes et invités,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à adresser mes sincères remerciements au Gouvernement du Chili qui m’a invité à inaugurer cette exposition pour marquer le 40e anniversaire de l’entrée en vigueur de la CITES au Chili. Je regrette de ne pas pouvoir me rendre en personne à Valparaiso.
Comme vous le savez peut-être, la CITES a été le troisième accord environnemental mondial adopté au début des années 1970, signé à Washington le 3 mars 1973 - et la journée du 3 mars est désormais célébrée chaque année en tant que Journée mondiale des Nations Unies pour la vie sauvage.
La CITES a cependant été le premier accord mondial à entrer en vigueur, le 1er juillet 1975, soit environ six mois avant la Convention de Ramsar et la Convention portant sur le patrimoine mondial.
La CITES est un accord juridiquement contraignant considéré comme l’un des plus fructueux parmi tous les accords internationaux sur l’environnement, et, fait intéressant, la lettre encyclique du Saint-Père François sur La sauvegarde de notre maison commune fait référence à l’importance des accords internationaux exécutoires et mentionne positivement la CITES (voir paragraphe 168).
Depuis 1975, le monde a connu une prospérité croissante, une évolution de la consommation et de la production, une amélioration significative des connaissances scientifiques, des progrès phénoménaux dans le domaine de la technologie, et surtout, une croissance exponentielle du commerce mondial.
Si l’on regarde les chiffres relatifs à la population mondiale, on peut noter qu’elle est passée de 4 milliards de personnes à plus de 7 milliards – ce qui représente un ajout de 3 milliards de consommateurs potentiels pour les espèces sauvages et leurs produits.
Malgré ces changements, la CITES reste aussi pertinente aujourd’hui que lorsqu’elle est entrée en vigueur il y a 40 ans. Il s’agit d’une convention vivante qui a évolué au fil du temps en réponse à ces conditions changeantes.
Elle a évolué a bien des égards, notamment en mettant sous le contrôle de la CITES le commerce de nouvelles espèces marines comme les requins, et de nouvelles espèces d’arbres comme le bois d’Alerce et l’Araucaria, faisant le meilleur usage des nouvelles technologies et renforçant les efforts coopératifs de lutte contre la fraude.
Examiner la CITES et les espèces de requins, dont aucune n’était inscrite aux annexes de la CITES en 1975, peut nous aider à illustrer ce point.
Il se trouve que la CITES est entrée en vigueur dans les jours qui ont suivi le lancement du film de Steven Spielberg, « Les dents de la mer » en juin 1975, cette superproduction dressant un portrait du grand requin blanc à la manière d’Hollywood.
Le film « Les dents de la mer » aura entretenu chez le public des stéréotypes négatifs et une compréhension erronée du rôle des requins et de leur comportement. Ces perceptions sont toutefois en train de changer, en particulier à la lumière des connaissances scientifiques sur l’exploitation non durable de certaines espèces de requins qui pourrait les conduire à l’extinction.
C’est dans ce contexte de changements de perception et d’avancées scientifiques que la CITES est intervenue pour inscrire à ses annexes huit espèces de requins au cours des dernières années - notamment cinq espèces en 2013 - et les soumettre aux contrôles du commerce CITES afin de garantir que tout commerce international de ces espèces reste légal, durable et traçable.
La pertinence de la CITES dans la durée a peut-être été le plus fortement exprimée à travers les résultats de Rio+20 en 2012, lorsque la Convention a été décrite comme « un accord international situé à l’intersection entre le commerce, l’environnement et le développement » - et l’importance de la CITES vient d’être renforcée par l’Assemblée générale de l’ONU avec de l’adoption de la première résolution sur la « Lutte contre le trafic illicite des espèces sauvages » le 30 juillet.
Rio+20 a fourni une description juste de la CITES, qui souligne le fait que nombre d’espèces sauvages et de produits issus de ces espèces font l’objet chaque année d’échanges légitimes en vertu de la CITES, un tel commerce légal et durable ayant souvent des avantages à la fois pour les espèces sauvages et les hommes, comme le commerce de la laine de vigogne, de la chair de lambi et de l’écorce du prunier d’Afrique. La CITES vient d’ailleurs justement d’enregistrer sa quinze millionième transaction commerciale dans la base de données sur le commerce CITES.
Toutefois, ces dernières années, nous connaissons une forte augmentation du commerce illégal d’espèces sauvages – il s’agit d’espèces sauvages commercialisées en violation de la CITES, en particulier les éléphants, les rhinocéros, les pangolins, mais aussi les vigognes si emblématiques et certaines essences de bois précieux. Ce commerce illégal est un phénomène mondial qui se déroule à une échelle industrielle, implique des gangs criminels transnationaux organisés, et a des impacts économiques, sociaux et environnementaux dévastateurs.
L’importance de la CITES dans la lutte contre le commerce illégal des espèces sauvages et dans son rôle de facilitation du commerce légal et durable, lorsqu’un pays souhaite commercialiser une espèce couverte par la CITES, est plus grande que jamais.
Les raisons de la pertinence et du succès continus de la CITES sont nombreuses et diverses, mais trois d’entre-elles se démarquent peut-être :
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Tout d’abord, la qualité du texte original de la Convention adopté en 1973, et son évolution au cours du temps. Il est précis, pragmatique, et établit un régime réglementaire international robuste portant sur le commerce international des plantes et des animaux sauvages. Ce régime a résisté à l’épreuve du temps et, la semaine dernière, le Directeur général de l’OMC et moi-même avons lancé une publication commune CITES-OMC sur la relation entre l’OMC et la CITES en tant qu’exemple majeur de la manière dont le commerce mondial et les régimes environnementaux peuvent se soutenir mutuellement et coopérer avec succès pour atteindre des objectifs communs, en notant qu’il n’y a jamais eu de différends avec l’OMC contestant directement une mesure liée au commerce CITES ;
- Deuxièmement, de solides partenariats ont été forgés dans la mise en œuvre de la Convention avec un large éventail d’entités à l’intérieur et à l’extérieur de l’ONU ainsi qu’avec des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. Cela a été une priorité au cours des cinq dernières années, en particulier avec la création du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC), une initiative conjointe du Secrétariat CITES, d’INTERPOL, de l’ONUDC, de la Banque mondiale et de l’Organisation mondiale des douanes - ainsi qu’à travers un partenariat avec la FAO sur la mise en œuvre de l’inscription des requins et des raies manta aux annexes de la Convention, et avec l’OIBT sur la mise en œuvre de l’inscription des espèces de bois tropicaux ;
- Troisièmement, et tout particulièrement, l’engagement profond des 181 Parties à la CITES pour mettre en œuvre la Convention en désignant des organes de gestion et des autorités scientifiques, en adoptant des mesures nationales législatives et de lutte contre la fraude, et en déployant des efforts de collaboration transfrontalière. La législation nationale est le pilier de la mise en œuvre de la CITES et les autorités CITES nationales sont à la fois le moteur de la Convention et le garant de son succès.
Et aujourd’hui, nous nous arrêtons pour célébrer la vision et l’engagement du Chili de 1975 à aujourd’hui. La CITES est un exemple fantastique de la réussite d’une coopération internationale combinée à une action nationale pendant quatre décennies.
En reconnaissant les efforts des 181 Parties à la Convention pour combiner la coopération internationale et l’action nationale, il est tout à fait approprié que nous soyons ici au Chili, dans ce pays qui a joué un rôle actif et de premier plan dans la mise en œuvre et le développement continu de la CITES, depuis son adhésion à la Convention en 1975.
Le Chili a été à la pointe des efforts visant à soutenir la mise en œuvre de la CITES, notamment :
- En accueillant la douzième session de la Conférence des Parties à Santiago du Chili en novembre 2002
- En présidant le Comité permanent de la CITES de 2003 à 2010 à travers le ministère des Affaires étrangères ; et
- En fournissant une expertise approfondie des processus de la CITES, notamment à travers la SAG, la CONAF, et le Sernapesca.
Et je pourrais poursuivre avec d’autres exemples, mais je vais m’arrêter là.
Il existe une obligation en attente à laquelle le Chili est proche de répondre, à savoir l’adoption d’une législation nationale mettant pleinement en œuvre toutes les exigences de la CITES. Nous espérons pouvoir annoncer de bonnes nouvelles à cet égard à la prochaine réunion du Comité permanent de la CITES en janvier 2016.
Cette brève vue d’ensemble du soutien du Chili à la CITES permet d’illustrer ce qui a permis à la Convention de réussir, et nous tenons à exprimer en ce jour spécial de célébration toute notre profonde gratitude au Chili pour ce soutien continu et de longue date.
Je vous remercie.
Voir également :
Dépliants préparés pour l’événement.
Exposición: Protege la Biodiversidad, 40 años de CITES en Chile
40 años de CITES en Chile: Protege la Biodiversidad