Allocution d’ouverture prononcée à l’occasion de l’
Atelier sur les stratégies visant à juguler le commerce illégal de l’ivoire en s’attaquant à la demande
Secrétaire général de la CITES, M. John E. Scanlon
Hangzhou, Chine
28-29 janvier 2015
M. Liu Dongsheng, Vice-administrateur, Administration nationale des forêts
M. Lin Yunju, Directeur général du Département des forêts de la province du Zhejiang
M. Meng Xianlin, Directeur général, Organe de gestion CITES de la Chine
Chers invités, Mesdames et Messieurs,
J’aimerais exprimer mes sincères remerciements au Gouvernement de la République populaire de Chine pour avoir co-organisé cet atelier avec le Secrétariat CITES et m’avoir invité à vous faire part ce matin de quelques brèves observations liminaires.
J’aimerais également faire part de ma profonde gratitude aux représentants de l’Administration nationale chinoise des forêts, du ministère des affaires étrangères, du ministère de la culture et de l’Administration générale des douanes, ainsi qu’à ceux du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, des États-Unis d’Amérique et de la Commission européenne, qui se sont tous joints à nous pour cet atelier novateur. Bienvenue également aux représentants du Programme des Nations Unies pour le développement, du Programme des Nations Unies pour l’environnement, de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, de la Banque mondiale, du secteur privé, aux organisations non-gouvernementales et aux experts et spécialistes de nombreuses disciplines différentes, notamment des cercles d’investissement spécialisés dans les collections et l’art.
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Comme vous le savez, on sculpte l’ivoire de défenses d’éléphants et d’autres mammifères depuis l’Antiquité dans de nombreuses régions et cultures. Au cours des siècles derniers, la demande d’ivoire sculpté ou brut a principalement été le fait d’acquéreurs européens, nord-américains et asiatiques.
La CITES est relativement récente, elle date de 1973, et avec son entrée en vigueur en 1975, le commerce international de spécimens d’animaux et de plantes sauvages, y compris l’ivoire d’éléphant (depuis l’inscription de l’éléphant d’Afrique aux Annexes CITES en 1976), était réglementé pour la première fois.
La CITES a pour but d’assurer la licéité, la durabilité et la traçabilité du commerce international des espèces de faune et de flore sauvages. Le niveau actuel inquiétant de braconnage de l’éléphant d’Afrique pour son ivoire a pour conséquence un commerce qui n’est ni légal ni durable – mais les efforts déployés pour détecter ce trafic illicite, et retrouver ceux qui en sont responsables, sont de plus en plus efficaces.
Les populations d’éléphants continuent d’être gravement touchées par le braconnage à travers toute l’Afrique et, par endroits, elles ont sérieusement diminué en raison de ce phénomène, qui constitue pour cette espèce emblématique l’impact humain le plus immédiat, même s’il convient de ne pas ignorer les menaces que posent le perte d’habitat et d’autres facteurs. Le commerce illégal de l’ivoire d’éléphant fait bénéficier des braconniers, des commerçants illégaux et des spéculateurs de profits illégalement gagnés aux dépens des écosystèmes et des services qu’ils fournissent, tout en sapant l’état de droit, les économies locales et nationales et, parfois, la sécurité nationale et régionale.
Ainsi que cela a été reconnu dans le document final publié à l’issue de la conférence Rio+20 organisée par les Nations Unies en 2012, des mesures fermes et accrues doivent être prises tant en ce qui concerne l’offre que la demande pour lutter contre le trafic international d’espèces sauvages.
À la suite des décisions prises lors de sa 16e session par la Conférence des Parties en 2013, certains États de l’aire de répartition de l’éléphant d’Afrique déploient des efforts considérables pour lutter contre le braconnage des éléphants et limiter l’offre d’ivoire d’éléphant prélevé illégalement. Les pays de destination et de transit ont également intensifié leurs efforts en matière de lutte contre la fraude pour mieux contrôler leurs frontières et la coopération s’est renforcée pour lutter contre le commerce illégal des espèces sauvages d’un bout à l’autre de la chaîne de l’offre illégale.
L’atelier d’aujourd’hui est consacré à la demande, en particulier en ce qui concerne le marché de l’ivoire en Chine. Nous espérons que le temps que nous allons passer ensemble nous permettra d’acquérir une meilleure compréhension de ce marché ainsi que des facteurs qui stimulent la demande d’ivoire, qu’il soit illégalement ou légalement prélevé, notamment par une meilleure compréhension des principaux acteurs de ce commerce, sur lesquels nous nous concentrerons. Notre objectif est également de mieux faire connaître les sanctions sévères qu’encourent à présent les trafiquants, vendeurs et investisseurs impliqués dans le commerce illégal de l’ivoire, ainsi que les conséquences dévastatrices de ces investissements illégaux pour les éléphants et les populations.
Cette semaine, nous parlerons également du patrimoine – national et mondial, culturel et naturel.
L’éléphant d’Afrique fait partie intégrante de sites qui ont été reconnus sur le plan international pour leur valeur universelle exceptionnelle en vertu de la Convention de l’UNESCO sur le patrimoine mondial de 1972. Ils sont considérés comme faisant partie du patrimoine naturel mondial, constituent un élément irremplaçable des systèmes naturels africains et sont une source de grande inspiration. Nous avons récemment assisté à l’inscription sur la liste des sites du patrimoine mondial en péril, en raison du haut degré de braconnage qui y sévit, de sites du patrimoine naturel tels que la réserve de Selous, en République-Unie de Tanzanie.
La sculpture de l’ivoire à Beijing et Guangzhou est reconnue par la Chine comme faisant partie de son patrimoine culturel immatériel dans le cadre d’un inventaire national qu’elle a dressé en application de la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003. De toute évidence, cette reconnaissance ne protège en aucun cas, que ce soit en vertu du droit interne ou de la Convention de 2003, la sculpture ou le commerce d’ivoire d’éléphant obtenu illégalement.
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Nous nous réjouissons des diverses campagnes de sensibilisation qui sont actuellement menées à grande échelle en Chine, et ailleurs, pour faire diminuer le commerce illégal des espèces sauvages, et félicitons les institutions et personnalités qui en sont à l’origine. Nous devons toutefois également mieux comprendre et cibler les principaux facteurs qui alimentent, sur le marché noir, la demande de grands volumes d’ivoire illégalement prélevé. Cela implique notamment de cibler ceux qui spéculent sur l’ivoire illégalement prélevé pour des motifs exclusivement lucratifs, et non pour des raisons culturelles. Nous pensons que ces spéculateurs ne représentent qu’une infime fraction de la population et que les campagnes de sensibilisation menées à grande échelle n’ont aucun effet sur eux.
Aborder la question de la demande d’ivoire illégal nécessite une profonde connaissance pratique du fonctionnement du marché, afin que nous puissions mieux comprendre la nature exacte de cette demande et mettre au point des initiatives ciblant la demande qui soient fondées sur des preuves et axées sur l’action – pour envoyer le bon message à la bonne audience et ainsi accroître nos chances de voir les personnes visées changer, comme nous le souhaitons, de comportement. C’est pour cette raison que nous sommes tous rassemblés ici aujourd’hui.
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La Chine a très activement soutenu la mise en œuvre de la CITES tant sur le plan interne qu’international. Ces dernières années, elle a hébergé plusieurs ateliers internationaux importants consacrés à la CITES, notamment à la lutte contre le commerce illégal de l’ivoire. De plus, elle a, en 2013, dirigé le premier effort transcontinental de lutte contre la fraude, appelé Opération Cobra, et à cette même époque l’an dernier, elle a procédé à la destruction publique de 6,2 tonnes d’ivoire saisi.
Nous avons assisté en 2011 à la création du Groupe national CITES de coordination inter-agences afin de mieux soutenir les efforts coordonnés de lutte contre la fraude en Chine, ce qui s’est traduit par une augmentation du nombre des saisies, des poursuites et des condamnations. Les amendes élevées et les peines de prison infligées aux personnes condamnées pour avoir illégalement commercialisé de l’ivoire d’éléphant font l’objet d’une vaste publicité, ce qui contribue fortement à dissuader d’autres personnes qui seraient tentées par cette activité.
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Mesdames et Messieurs, au cours des deux prochains jours, nous entendrons quantité d’intervenants différents s’exprimer sur ces questions. Nous respectons le fait que les perceptions et les perspectives puissent être différentes en ce qui concerne les causes du braconnage de l’éléphant et les principaux facteurs qui stimulent la demande de l’ivoire. L’atelier est ouvert à l’expression de toutes les opinions mais se concentrera sur les points de convergence.
Et pour commencer, il est évident que nous assistons à une diminution drastique du nombre d’éléphants d’Afrique à cause du braconnage dont ils sont victimes pour leur ivoire, leur population ayant, par endroits, gravement diminué. Cela doit cesser.
Si la spéculation est, ou semble être, l’un des principaux facteurs qui stimulent la demande d’ivoire illégalement commercialisé, il est justifié d’intervenir dans ce secteur en menant une campagne bien ciblée pour faire cesser cette spéculation illicite.
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À l’orée d’une nouvelle année, nous espérons que les messages qui sont véhiculés par le présent atelier à Hangzhou parviennent très distinctement à quiconque investit ou souhaiterait investir dans de l’ivoire d’éléphant illégalement prélevé :
De nos jours, toute personne qui acquiert de l’ivoire illégalement prélevé court un risque bien plus élevé d’être arrêtée, poursuivie et sévèrement punie pour ces crimes graves ;
Grâce aux techniques médico-légales, on peut à présent facilement déterminer la date et l’origine de l’ivoire illégalement prélevé et produire les preuves nécessaires pour traduire en justice ceux qui sont impliqués dans le commerce illégal de l’ivoire ; et
Acquérir de l’ivoire illégalement commercialisé est devenu un investissement très risqué et imprudent qui aura inévitablement de graves répercussions financières et personnelles pour ceux qui se livrent à cette activité.
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J’aimerais clore mon intervention en remerciant le Gouvernement chinois pour héberger et soutenir l’événement important et novateur qui a lieu cette semaine, ainsi que le Gouvernement britannique pour son appui financier. Cet atelier permet d’attirer une nouvelle fois l’attention, oh combien nécessaire, sur les stratégies visant à juguler le commerce illégal de l’ivoire en s’attaquant à la demande et témoigne une fois de plus de l’attachement de la Chine à faire cesser le commerce illégal de l’ivoire.