La coopération au développement de l’UE lance son initiative phare «B4Life»

Mise à jour le 05 novembre 2014

Événement parallèle à la CoP12 de la CDB

La biodiversité est-elle importante pour le développement ?

La coopération au développement de l’UE lance son initiative phare «B4Life»

Déclaration d’ouverture

John E Scanlon, Secrétaire général de la CITES

(Présentée par Milena Sosa Schmidt)

Pyeongchang, République de Corée

16 octobre 2014
 

M. Janez Potocnik, Commissaire européen chargé de l’Environnement, Président de séance ; Mme Pia Bucella, Directrice, Direction du capital naturel, DG-ENV, Commission européenne ; honorables hôtes et invités ; chers amis et collègues.

L’Union européenne (UE), ses États membres et sa Commission sont depuis longtemps d’ardents défenseurs de la CITES - pratiquement, politiquement et financièrement.

Le Parlement européen et ses comités ont également exprimé leur profond intérêt pour les questions liées à la CITES - comme le Parlement l’a récemment communiqué à travers sa résolution sur la criminalité liée aux espèces sauvages.

L’initiative phare de l’UE « Biodiversity for life » est un encouragement bienvenu, qui témoigne de l’engagement de longue date de l’UE pour la biodiversité et vers les Objectifs d’Aichi et les objectifs du Plan stratégique 2011-2020 pour la biodiversité.

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Chers collègues, le monde est confronté depuis des décennies au trafic d’espèces sauvages. Pourtant, au cours des dernières années, nous avons assisté à une grave flambée de cette activité illicite, ainsi qu’à un changement de sa nature.

Il est clair que la dynamique de cette criminalité très destructrice a changé, et ainsi notre réponse doit évoluer pour être en mesure de correspondre à l’ampleur, à la nature et à l’urgence de la menace que le trafic des espèces sauvages fait maintenant peser sur les plantes et les animaux sauvages, sur les personnes, la sécurité et l’économie.

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La crise du braconnage à laquelle nous sommes confrontés amoindrit la valeur du patrimoine naturel national dans les pays touchés. Sur les 14 sites du patrimoine mondial que nous suivons en Afrique – à travers notre programme MIKE financé par l’UE sur le suivi de l’abattage illégal des éléphants – 7 sont aujourd’hui sur la Liste du patrimoine mondial en péril en raison du braconnage. L’ajout le plus récent concerne la Réserve de Selous en République-Unie de Tanzanie. Les forêts humides de l’Atsinanana, à Madagascar, ont été et continuent d’être dévastées par l’exploitation de bois de rose et le commerce illicite qui y est associé.

Cette destruction du patrimoine naturel prive les pays et les communautés locales des options de développement futur que pourrait procurer l’utilisation durable de leurs ressources naturelles, et elle prive également les pays de recettes fiscales potentielles. La CITES travaille avec le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO afin de mieux protéger ces sites emblématiques.

L’abattage illégal ainsi que les pratiques illicites d’exploitation forestière et de prélèvement d’espèces sauvages constituent une source d’insécurité dans certaines régions, et créent un sentiment d’insécurité dans d’autres. Cela dissuade les investisseurs, et constitue clairement une menace pour le tourisme axé sur la faune, qui apporte des revenus considérables à nombres d’économies d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est. Ainsi, selon les données de la Banque mondiale, le Kenya a gagné en 2012 près de deux milliards de dollars grâce au tourisme international, soit 5% de son PIB.

Le braconnage pour la consommation de gibier peut aussi contribuer à la propagation de zoonoses telles que les maladies dues aux virus Ebola et Marburg, qui submergent les services de santé déjà débordés et manquant de ressources, et qui constituent une menace pour la santé publique mondiale.

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L’abattage illégal, les pratiques illicites d’exploitation forestière et de prélèvement d’espèces sauvages, ainsi que le commerce illégal qui en découle ne sont plus des problèmes locaux. Aujourd’hui, ces pratiques sévissent à une échelle industrielle, et sont coordonnées par des réseaux criminels transnationaux bien organisés.

Et ces activités ne concernent pas seulement les espèces animales emblématiques, telles que l’éléphant - mais aussi les espèces végétales, notamment de nombreuses essences d’arbres. L’exploitation illégale des arbres et le commerce connexe sont en train de détruire les forêts naturelles et les services qu’elles fournissent.

Des éléments probants du programme MIKE et du programme OIBT-CITES sur la gestion durable des espèces CITES de bois tropicaux montrent que ces réseaux criminels ciblent des zones où ils rencontrent une résistance moindre, où la pauvreté est la plus forte, où la gouvernance et la lutte contre la fraude sont les plus faibles, et où ils peuvent facilement bénéficier de la complicité de chasseurs locaux et de fonctionnaires corruptibles.

La plupart des revenus illicites issus du braconnage s’accumulent à l’extrémité supérieure de ces réseaux criminels, avec seulement une proportion insignifiante revenant aux fonctionnaires pauvres et sous-payés des zones rurales qui deviennent complices de ce commerce illégal, ce qui compromet par ailleurs la bonne gouvernance et l’État de droit.

Il est essentiel de contrer la menace de l’abattage illégal et de l’exploitation forestière illicite en améliorant la lutte contre la fraude à travers l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, et en réduisant la demande en produits illicites issus d’espèces sauvages dans les pays de destination. Ces mesures sont bien reconnues comme des interventions appropriées - et la CITES travaille à fournir un soutien coordonné aux pays et régions, avec ses partenaires du Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages (ICCWC) - INTERPOL, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, l’Organisation mondiale des douanes et la Banque mondiale.

Cependant, l’aide au développement a aussi un rôle essentiel à jouer pour endiguer la crise de braconnage. Nombre de régions importantes pour les espèces sauvages sont parmi les plus pauvres en Afrique, et la plupart ne sont pas encore en mesure d’accueillir du tourisme, ou ont peu de possibilités de générer des moyens de subsistance durables. Dans ces zones, les espèces sauvages apportent rarement des avantages nets aux populations locales, mais elles leur imposent souvent des coûts nets.

La faune sauvage peut également entrer en conflit avec l’homme. Une enquête récente, menée autour du Parc national de Katavi en Tanzanie, a révélé que près de la moitié des 500 hectares de cultures situés autour du parc ont été détruits par des éléphants en 2008, et 74 % des personnes interrogées (qui étaient pour la plupart des agriculteurs de subsistance) ont déclaré n’avoir reçu aucun avantage de la présence des éléphants.

La conservation des espèces sauvages est liée aux problématiques de mise en œuvre de politiques raisonnées portant sur l’utilisation des terres et sur les droits de propriété des ressources – ces deux politiques faisant défaut dans certaines parties du monde en développement. Un défi majeur pour la communauté du développement est de promouvoir le développement social et économique des communautés pauvres, tout en retenant des options d’utilisation des terres qui ne sont pas seulement compatibles avec la conservation des espèces sauvages et de leurs habitats, mais qui permettent de s’assurer que les avantages nets de l’utilisation durable des espèces sauvages et d’autres ressources naturelles reviennent à ceux qui coexistent avec ces espèces.

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Nous sommes confrontés à une crise, et des mesures immédiates doivent être prises en première ligne pour améliorer la lutte contre la fraude et réduire la demande en produits illicites. Mais cela doit aussi entraîner des avantages pour les populations locales.

À moyen et à long terme, ceux qui coexistent avec les espèces sauvages, et qui ont un intérêt évident à leur conservation, seront nos meilleurs alliés pour atteindre un avenir durable pour les espèces sauvages et pour les hommes.

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Tout cela peut paraître plutôt ambitieux. Cependant, il est encourageant de constater qu’une prise de conscience mondiale a émergé ces dernières années, à tous les niveaux politiques et à travers de multiples organismes, quant à la gravité des menaces que constitue le trafic illégal d’espèces sauvages, et à la nécessité d’apporter des réponses immédiates et à long terme - et l’UE est un élément essentiel dans cet effort collectif.

Lors de la 16e session de la Conférence des Parties à la CITES, qui s’est tenue à Bangkok en mars l’année dernière, nous avons assisté à des niveaux de coopération internationale sans précédent dans la lutte contre le trafic illégal d’espèces sauvages, avec une puissante suite de résolutions et de décisions adoptées par consensus. Leur mise en œuvre et leur examen sont déjà bien avancés.

Et lors de la Conférence de Londres sur le commerce illégal des espèces sauvages, tenue en février de cette année, la Déclaration de Londres a reconnu l’importance de la participation des communautés coexistant avec les espèces sauvages en tant que partenaires actifs dans la conservation, en réduisant les conflits homme-nature, et en soutenant les efforts des communautés pour faire progresser leurs droits et leurs capacités à gérer et à tirer profit des espèces sauvages et de leurs habitats. Le Programme des Nations Unies pour le développement a abordé cette question, et investit actuellement des ressources pour sa mise en œuvre sur le terrain.

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Dans ce contexte, je pense qu’il est juste de dire que nous savons ce qui doit être fait, et que le travail est en bonne voie - mais nous devons continuer à aller de l’avant et à mener des actions prioritaires sans perdre de temps, tout en prévoyant des interventions à plus long terme.

Compte tenu de l’objet de l’événement qui se tient aujourd’hui, je voudrais souligner quatre facteurs sous-jacents qui sous-tendront ces efforts collectifs :

- Tout d’abord, un soutien au niveau politique le plus élevé est nécessaire - un soutien politique qui doit se traduire par un appui pratique en première ligne. Dans l’UE, l’Allemagne - avec le Gabon - la France, et plus récemment le Royaume-Uni ont accueilli des événements politiques majeurs qui ont généré un élan et un appui politiques importants. Des événements similaires ont également été organisés en dehors de l’UE, notamment par le Botswana.

- Deuxièmement, la criminalité liée aux espèces sauvages doit être considérée comme un crime grave, et, en combattant le trafic des espèces sauvages, les États doivent assurer un effort coordonné de lutte contre la fraude dans l’ensemble des chaînes d’approvisionnement illégales, et déployer les mêmes techniques que celles utilisées pour lutter contre d’autres crimes graves.

- Troisièmement, il est essentiel que la communauté du développement et celle de la conservation des espèces sauvages reconnaissent que la conservation des espèces sauvages et des habitats est une question de développement, inextricablement lié à l’éradication de la pauvreté, à l’économie, la santé, la gouvernance, la sécurité et la justice sociale. Il est impératif que la conservation des espèces sauvages soit intégrée dans les interventions de développement, en cherchant à maximiser les avantages et à réduire au minimum les pertes pour les hommes et les espèces sauvages. De même, les interventions pour la conservation des espèces sauvages ne peuvent ignorer les réalités du développement dans et autour des lieux que nous essayons de préserver.

- Enfin, il est nécessaire d’obtenir un soutien financier supplémentaire substantiel, issu de sources diverses - tout en reconnaissant l’important soutien financier que l’UE fournit déjà, notamment à l’ICCWC, au programme OIBT-CITES sur les espèces de bois tropicaux, et aux programmes MIKE et MIKES qui évoluent du suivi de l’abattage illégal des éléphants à la réduction de l’abattage illégal des espèces menacées. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que les implications sociales, environnementales, économiques et de sécurité des activités illicites liées aux espèces sauvages et leurs liens avec les Objectifs de développement durable devraient permettre de mobiliser de nouvelles sources de financement.

Alors que la CITES poursuit ses efforts dans la gestion et la conservation des espèces bien connues faisant l’objet d’un commerce, elle est également de plus en plus utilisée par les États pour veiller à ce que le commerce des espèces marines et des essences d’arbres soit légal, durable et traçable. Ainsi, le nombre d’espèces d’arbres couvertes par la Convention est passé de 18 inscrites en 1975, à plus de 600 aujourd’hui, principalement en raison de la surexploitation et de l’importance des volumes de commerce illégal, qui entraînent de fortes exigences en matière d’assistance technique et financière dans le cadre du programme OIBT-CITES.

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Chers collègues, il faudra un effort soutenu, collectif et multiforme à tous les niveaux pour gagner ce combat et pour progresser vers un avenir durable où les hommes et les espèces sauvages pourront coexister en harmonie – et grâce au maintien et au renforcement de tous les efforts collectifs discutés aujourd’hui, nous y arriverons.

Je vous remercie.