Conférences d’experts sur la démarche de l’UE pour la lutte contre le trafic des espèces sauvages
John E. Scanlon
Secrétaire général de la CITES
10 avril 2014, Bruxelles
Monsieur le Commissaire Potočnik, Madame la Commissaire Malmström, chers collègues, amis et hôtes de marque,
L’Union Européenne, ses Etats Membres et sa Commission apportent depuis longtemps à la CITES un soutien indéfectible, sur le plan concret, politique et financier.
Le Parlement européen et ses commissions ont, de leur côté, exprimé un vif intérêt pour les questions relatives à la CITES, comme en témoigne la résolution sur la criminalité liée aux espèces sauvages adoptée tout récemment.
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La communauté internationale lutte depuis des décennies contre trafic des espèces sauvages. Ces dernières années, toutefois, nous avons assisté à la fois à une flambée brutale et à une mutation de ces activités illicites.
La dynamique de cette criminalité très destructrice a incontestablement changé, et les actions que nous lui opposons doivent évoluer en conséquence, afin d’être à la hauteur de l’ampleur, de la nature et de l’urgence des risques que le trafic des espèces sauvages représente désormais pour la faune et la flore sauvages, pour les populations, pour les économies et pour la sécurité.
La bonne nouvelle, dans ce contexte, est qu’au cours des dernières années a émergé une prise de conscience mondiale, à tous les niveaux politiques et dans de nombreuses instances, de la grave menace que fait peser le trafic des espèces sauvages – et l’Union Européenne constitue un acteur essentiel de cet effort collectif.
A la16e session de la Conférence des Parties à la CITES, tenue à Bangkok en mars 2013, a émergé une coopération internationale sans précédent pour la lutte contre le trafic des espèces sauvages, avec l’adoption par consensus d’un arsenal puissant de résolutions et de décisions dont la mise en œuvre et l’évaluation sont déjà en bonne voie.
Le Comité permanent de la CITES, qui est également le principal organe de contrôle du respect de la Convention, suivra étroitement les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces mesures concrètes qui sont assorties de délais.
La CoP de la CITES a été marquée par un changement d’attitude : il ne s’agissait plus tant de blâmer les coupables que de trouver ensemble de nouveaux moyens pragmatiques de résoudre les problèmes en agissant à la fois dans les pays d’origine, de transit et de destination, chaque Etat jouant son rôle afin de renforcer l’effort généralisé de lutte contre la fraude, effort nécessaire pour mettre un terme à ces agissements illicites.
Je pense qu’il est juste de dire que nous savons ce qu’il faut faire – nous devons maintenant nous atteler à la tâche, et sans délai.
Dans le temps qui m’est imparti aujourd’hui, m’inspirant des résultats de la CoP de la CITES, je souhaiterais encourager l’Union Européenne à concentrer son action sur trois grands problèmes que j’exposerai ici en termes généraux :
- en tout premier lieu, il convient de traiter la criminalité liée aux espèces sauvages comme une infraction grave selon la définition qu’en donne la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Le territoire de l’Union européenne reste un marché important pour les espèces sauvages faisant l’objet d’un trafic, et il attire des organisations criminelles très spécialisées qui alimentent un marché de niche. La force d’une chaîne se mesure à son maillon le plus faible, et les éléments criminels exploitent les point d’entrée le plus faible de l’Union – pour cette raison une réponse renforcée doit être harmonisée dans tous les Etats membres de l’UE.
- deuxièmement, dans leur lutte contre le trafic des espèces sauvages, les Etats doivent employer les mêmes moyens que ceux qui sont utilisés contre les autres types de grande criminalité : notamment opérations secrètes, livraisons surveillées, méthodes modernes de la police scientifique, saisie et recouvrement des avoirs. Les chefs de bande qui sont derrières ces graves infractions doivent comprendre que la loi leur sera appliquée dans toute sa rigueur. Pour ce faire, il faut que les Etats déploient ces moyens et qu’ils soient parallèlement en mesure d’imposer de lourdes sanctions.
- troisièmement, des efforts coordonnés doivent êtres déployés sur l’ensemble de la chaîne de lutte cotre la fraude et de la chaîne d’approvisionnement illégale. Là encore, ces efforts n’auront que la force de leur maillon le plus faible. Les enquêtes doivent être coordonnées au plan national et entre les Etats membres de l’UE, entre services douaniers, forces de police, parquets et instances judiciaires – en prenant acte des résultats positifs d’Europol et d’Eurojust. En outre, les organes de lutte contre la fraude doivent établir des relations de travail étroites sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement illégale – pays d’origine, de transit et de destination – avec la possibilité de partager le renseignement et les données de la police scientifique via des canaux sécurisés.
Ces efforts reposent peut-être sur les trois facteurs suivants :
- Tout d’abord, ils doivent bénéficier d’un soutien politique au plus haut niveau, au sein de l’Union Européenne et en dehors. L’Allemagne ainsi que le Gabon, la France et, plus récemment, le Royaume Uni, ont accueilli des événements politiques de premier plan qui ont suscité un élan politique et un soutien important. Ainsi, l’Union Européenne a fait usage de ses canaux diplomatiques pour veiller à ce que ce problème crucial figure désormais sur l’agenda politique ; nous espérons que cet effort diplomatique sera maintenu et, si possible, renforcé.
- Ensuite, un soutien financier provenant de sources multiples est nécessaire ; du fait des implications sociales, environnementales et économiques de ce trafic, sans oublier la sécurité, il existe des passerelles possibles avec les activités liées aux Objectifs de développement durable, ce qui devrait ouvrir de nouvelles sources de financement. Nous prenons acte dans le même temps du soutien financier important que l’UE apporte déjà, notamment, au Consortium international de lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages, ainsi qu’à MIKE et à MIKES, dont l’activité ne se limite plus à surveiller l’abattage illicite d’espèces menacées d’extinction mais œuvre désormais à le réduire.
- Enfin, nous devons accomplir un véritable bond en avant pour appliquer les technologies modernes à la mise en œuvre de la CITES et à la lutte contre le trafic des espèces sauvages ; à cet égard, notons que le Secrétariat de la CITES propose d’apporter un soutien au secteur privé pour la création d’un fonds d’investissement d’impact afin d’encourager l’émergence et la commercialisation de technologies nouvelles et novatrices.
Il a été envisagé de proposer une résolution à l’Assemblée générale des Nations Unies. Une résolution de ce type devrait s’inspirer de l’excellent corpus de résolutions élaborées par la Commission des Nations Unies pour la prévention du crime puis adoptées par l’ECOSOC, ainsi que des résultats de Rio+20, des CoP de la CITES et de la récente résolution de l’Assemblée générale proclamant le 3 mars “Journée internationale de la vie sauvage“.
En guise de conclusion, permettez-moi de vous présenter mes excuses pour mon absence, due à des engagements antérieurs qui m’ont mené dans l’hémisphère Sud. Je suis néanmoins très heureux que Ben Janse van Rensburg, notre chef du service d’Appui à la lutte contre la fraude, puisse être parmi vous vous aujourd’hui.
Nous offrons à l’Union Européenne notre appui total dans cette démarche, et exprimons notre profonde gratitude pour le soutien constant que vous apportez à la CITES.
Je vous remercie.