Allocutions d'ouverture du Secrétaire général de la CITES

Mise à jour le 31 janvier 2014

Le 13 mars 2010, Doha

Excellences, distingués invités, Mesdames et Messieurs, chers amis,
 
En exprimant notre profonde gratitude aux hôtes de cette session, le Gouvernement et le peuple du Qatar, Je suis sûr de parler au nom de l’ensemble de la communauté CITES rassemblée pour les deux prochaines semaines dans la superbe capitale de ce bel Etat qu’est le Qatar. L’organisation d’un événement d’une telle ampleur nécessite d’importantes ressources humaines et financières et il est clair qu’en consentant à cet investissement, l’Etat du Qatar manifeste son attachement à la conservation de la faune et de la flore sauvages.
 
En vérité, cette conférence est importante pour la conservation des plantes et des animaux sauvages de la planète; elle est donc un véhicule parfait pour sensibiliser l’opinion publique de cette partie du monde aux problèmes mondiaux de conservation de la nature. Ainsi, les organisations non gouvernementales et la presse du Qatar et de toute la région peuvent suivre l’événement de bien plus près que jamais et le Gouvernement du Qatar qui assure généreusement l’interprétation en arabe et de l’arabe y contribue de manière non négligeable. Certes, les répercussions inévitablement importantes d’une réunion comme celle-ci sont difficiles à mesurer, mais il est clair que l’Etat du Qatar, la péninsule et l’ensemble du Moyen‑Orient, cueilleront les fruits des ressources investies dans la conservation grâce à la tenue de cette conférence, que ce soit durant la session ou longtemps encore après.
 
Laissez-moi aussi remercier chaleureusement le Gouvernement de l’Etat du Qatar et les nombreux autres donateurs de notre projet pour les délégués parrainés pour leurs contributions financières généreuses. Grâce à eux, des participants de très nombreux pays en développement assistent à la réunion.
 
Mesdames et Messieurs, en juillet de cette année, il y aura 35 ans que la Convention est entrée en vigueur. Au fil des ans, elle est devenue la Convention dont l’impact est le plus direct sur la conservation des espèces et j’ajouterais, sans hésiter, qu’elle est, en conséquence, le traité le plus efficace dans le domaine de la biodiversité. C’est en partie ce qui explique l’immense intérêt que les Parties, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales et la presse portent aux débats qui se dérouleront dans les prochaines semaines. Et le fait qu’une fois encore, plusieurs des propositions qui nous sont soumises suscitent tant d’opinions et de convictions divergentes explique aussi, naturellement, cet intérêt très marqué. Déjà, les premières escarmouches ont été déclenchées dans la presse et je n’ignore pas que pour beaucoup d’entre vous les enjeux sont élevés. J’ai dit quelque chose d’approchant, il y a dix ans, dans mon discours d’ouverture de la CoP 11, ce qui montre clairement qu’avec les années, la CITES n’a rien perdu de son importance et de son influence, bien au contraire. Lors de ma première CoP en qualité de Secrétaire général, en 2000, la Convention avait 150 Parties. Aujourd’hui, à l’occasion de ma dernière CoP à ce poste, 175 pays appliquent la CITES et plusieurs autres s’apprêtent à nous rejoindre, rapprochant la Convention de l’un de mes objectifs personnels et l’un de ceux des Parties: une adhésion vraiment universelle.
 
Mesdames et Messieurs, nous sommes en 2010, l’Année internationale de la biodiversité, l’année où nous aurions dû avoir fortement réduit le rythme de perte de diversité biologique. J’ai des raisons de penser que ce n’est pas le cas mais j’ai la ferme conviction que la CITES a tout fait pour contribuer de manière capitale à la réalisation de l’objectif global de réduction de la perte de biodiversité et continue de le faire avec un succès réel, en s’assurant que le commerce international de très nombreuses espèces soit légal et durable.
 
Dans la quête des objectifs mondiaux pour la biodiversité, il y a clairement place pour une plus grande synergie, pour que les différentes conventions relatives à la biodiversité joignent leurs forces. Mais cela ne sera, à mon avis, que lorsque les Parties à ces conventions auront adopté des objectifs et des priorités semblables et auront décidé de politiques compatibles et complémentaires dans le cadre de leurs mandats respectifs. Lorsqu’il y a un terrain commun pour agir, les synergies se mettent automatiquement en place, comme la CITES et la Convention sur les espèces migratrices l’ont clairement démontré en adoptant des programmes de travail communs pour des espèces communes.
 
Il est un domaine dans lequel nous avons encore passablement de travail à faire, c’est celui de la simplification. Il importe que nous démontrions plus clairement aux Parties à la CITES, aux acteurs et au grand public que la CITES n’est pas un fardeau administratif inutile mais qu’elle apporte des avantages tangibles à la conservation des espèces, au commerce durable, aux moyens d’existence, à la réduction de la pauvreté et au développement durable.
 
Nous avons encore beaucoup à faire pour réduire les complications que nous avons créées ensemble, au fil du temps, et couchées dans des centaines de résolutions et de décisions qui,  sans doute, étaient nécessaires au moment de leur adoption mais qui, dans de nombreux cas, je le crois, sont aujourd’hui redondantes. Débarrassée d’une bureaucratie inutile, la CITES peut rester l’instrument puissant et capable d’une part, d’adopter de manière démocratique et d’appliquer un nombre relativement faible d’interdictions nécessaires du commerce international de certaines espèces menacées d’extinction et d’autre part, d’être un outil multilatéral souple garantissant la légalité, la durabilité et la traçabilité du commerce international de très nombreuses espèces d’animaux et de plantes sauvages. Aujourd’hui plus que jamais, la simplification est une nécessité face à la contraction malheureuse des ressources dont disposent les autorités nationales CITES et le Secrétariat. Je vous demande donc de bien réfléchir au coût des mesures que nous avons prises par le passé, au coût de celles que nous avons l’intention de prendre dans les prochaines semaines et aux avantages que ces décisions ont ou n’ont pas pour la conservation des espèces sauvages. Les possibilités de simplifier les choses et de diminuer les coûts sont légion et en le faisant, j’ai la conviction que nous faciliterons énormément votre travail et celui du Secrétariat tout en améliorant l’efficacité de la Convention, en particulier pour et dans les pays en développement producteurs d’espèces sauvages.
 
En parlant de ressources, j’en viens à un autre point important des discours d’ouverture du passé. Ce que je disais sur le budget, à la CoP 12, en 2002, est aujourd’hui, malheureusement, plus vrai que jamais. Une fois encore, il y a lieu de se faire du souci, compte tenu du fossé croissant qui sépare la multiplication des activités et des résultats que les Parties, entre autres, attendent de la CITES et de son Secrétariat et les moyens mis à disposition pour remplir ces attentes. N’est-il pas inquiétant, pour la communauté CITES, de constater qu’en 2010 la Convention a 25 Parties de plus qu’en 2000 mais que le Secrétariat a moins de personnel en 2010 qu’il n’en avait en 2000? A mon avis, cette constatation, parmi d’autres, fait encore des questions budgétaires un des principaux problèmes que devra résoudre cette session de la Conférence des Parties. Les décisions portant sur le budget révéleront le sérieux avec lequel nous considérons la conservation de la faune et de la flore sauvages. Les décisions sur le budget révéleront réellement à quel point nous prenons au sérieux la Convention et le rôle qu’elle pourra jouer pour l’avenir de la conservation et de la gestion des espèces sauvages. Ce qui est réellement inquiétant, à ce propos, ce sont les commentaires qui prétendent que la CITES ne devrait pas se mêler des espèces de poissons commerciales comme le thon rouge parce que le Secrétariat n’a pas la capacité de traiter de ces espèces. Naturellement, je m’inscris en faux contre ces commentaires mais cela voudrait-il dire qu’affaiblir le Secrétariat serait, pour certains, un moyen d’éviter l’inscription d’espèces commercialement importantes ou de réduire son rôle en matière de respect et de lutte contre la fraude?
 
Je lis parfois les journaux et je regarde souvent la télévision: je sais donc que de nombreux pays traversent une crise financière mais nous parlons ici des contributions de 175 pays à une somme totale qui se situe entre cinq et six millions de dollars par an. Mesdames et Messieurs, cela ne peut pas réellement affecter l’économie de quelque pays que ce soit.
 
Ce dont cette Convention a besoin, en conséquence, c’est que la plupart des 175 Parties, si ce n’est toutes, fassent preuve d’une volonté politique accrue, prennent leurs responsabilités et remplissent leurs obligations. La CITES a un besoin urgent d’actions, pas de paroles. Nous devons accepter sincèrement et sérieusement nos responsabilités et nos obligations. Nous devons agir de manière concrète dans les domaines du renforcement des capacités, de la sensibilisation du public, de la science de qualité comme base de nos décisions et, naturellement, du respect et de l’application des lois. Il faut donner un nouvel élan à notre volonté d’œuvrer pour que la CITES continue de travailler et travaille mieux.
 
Mesdames et Messieurs, sans le financement central nécessaire, la CITES ne pourra pas exploiter pleinement son formidable potentiel et nous risquons sérieusement de laisser tomber non seulement les nombreuses espèces animales et végétales auxquelles nous semblons attacher tant d’importance mais aussi les pays en développement dans leur lutte pour conserver leur faune et leur flore sauvages confrontées à tant de menaces. Nous avons, au Secrétariat, accéléré considérablement les efforts en vue d’obtenir des contributions volontaires additionnelles pour le Fonds d’affection spéciale. En conséquence, nous avons doublé le financement disponible pour appliquer le programme de travail chiffré de 2008 et 2009 mais nos activités ne devraient pas dépendre davantage de ces contributions volontaires. J’implore les Parties de renverser l’évolution financière constamment négative et de financer les décisions au moment où elles les prennent. Une évolution financière positive consisterait également à s’éloigner des fonds affectés à de petits projets pour adopter une approche plus programmatique.
 
La présence de tant de représentants d’organisations non gouvernementales et de la presse est le signe évident de l’importance que les citoyens du monde entier accordent à la CITES. Le monde nous regarde et nous ne pouvons nous permettre de le décevoir.
 
J’ai fait référence au potentiel de la CITES et aux attentes, ainsi qu’au fossé financier qui les sépare mais à l’occasion de la présente session, d’autres questions importantes vous sont présentées, par exemple, devrions-nous faire un nouveau pas en avant pour impliquer la CITES dans la conservation d’espèces d’importance économique. Ce que j’en pense? Oui, nous le devrions, comme je l’ai dit lors de précédentes réunions, oui, nous le devrions mais seulement là où la CITES peut faire la différence ou – s’il existe des accords couvrant ces espèces – uniquement là où la CITES, avec ses outils et instruments très particuliers, apporte une valeur ajoutée. Toutefois, le potentiel de cette valeur ajoutée est parfois mal compris. Il y a aussi des malentendus largement répandus concernant l’inscription d’espèces à la CITES. Certains pensent ou veulent que les autres pensent qu’une inscription à l’Annexe II signifie la fin du commerce. D’autres veulent que l’on pense qu’une inscription à l’Annexe I sauve une espèce de l’extinction. Tout cela est faux. Une inscription à l’Annexe II contribue à la durabilité du commerce et elle est donc positive pour l’avenir de ce commerce.